"La France qui se bat, la seule France, la vraie France, la France éternelle"


Ce sont les mots du Gal de Gaulle, au lendemain de la libération de Paris, au mois d'août 1944.


Aujourd'hui, 18 juin 2010, nous célébrions les 70 de son célèbre appel de Londres, à grands renforts de CharlesTillon.jpgdéplacements politiques et médiatiques. J'ai vu bien moins de cérémonies, hier, pour les 70 ans de l'appel de Charles Tillon, tant il a été volontairement oublié dans les programmes scolaires et les hommages officiels. Il a pourtant eu autant d'impact, sinon plus, que celui du Général. Si ce dernier a permis, effort il est vrai extraordinaire, de rallier la plus valeureuse partie de l'armée à la Résistance, l'appel lancé par Charles Tillon (un dirigeant du PCF de l'époque) a permis de rallier les communistes, et avec eux une organisation, une force combattante et de mobilisation.


Mais vivons à notre époque. L'appel de Charles Tillon a été            Charles Tillon                           largement oublié mais, heureusement, pas celui de Charles de Gaulle. Il nous laisse   au moins une mémoire partielle de la Résistance. La Résistance, c'est bien sûr le fait de combattre l'occupant fasciste pour libérer le pays, mais pas seulement. Il ne faudrait surtout pas réduire à cela ce modeste mais courageux mouvement populaire. La Résistance, c'est un gouvernement parallèle, une organisation, et aussi un programme.


En effet, en mars 1944, le Conseil National de la Résistance a adopté un programme de gouvernement, comportant un certain nombre de mesures à mettre en place au moment de la libération. En voici quelques-unes citées dans les mots mêmes du programme:


- la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères

- l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.

- l'instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie.

- le retour à la nation [nationalisation] des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des g randes banques.

- un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État.

- une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours.

- La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.


Je n'ai sélectionné ici que quelques mesures, mais le programme complet est d'une modernité et d'une richesse stupéfiantes.


A la libération, le Gouvernement Provisoire de la République Française, dirigé par de Gaulle moulin-harcourt.jpgmit en place le programme du CNR. Ainsi, Marcel Paul a créé le grand pôle public de l'énergie EDF-GDF; Ambroise Croizat a fondé la Sécurité Sociale; André Malraux développe avec Louis Aragon et le Comité National des Ecrivains une presse pluraliste et indépendante des puissances d'argent. Il s'agissait de poursuivre la Résistance jusqu'à la mort des puissances réactionnaires, par des mesures sociales, impulsées par les ministres communistes (j'ai cité Ambroise Croizat et Marcel Paul, j'aurais pu parler également de Maurice Thorez, François Billoux, Marius Patinaud, Laurent Casanova etc...)


Alors la question qui me taraude est la suivante: que reste-t-il du programme du CNR?

                                                                                                           Jean Moulin

Notre presse est-elle libre de toute influence politique ou financière? A l'évidence, non. Tous les titres de Presse, à quelques exceptions près, sont contrôlés par de grands groupes économiques tels que Bolloré, Lagardère ou Dassault. Même constat au sujet de la radio et de la télévision, sauf pour l'audiovisuel public dont les directeurs sont désormais directement nommés par le président de la République.


Tous les citoyens sont-ils égaux devant la loi? Là encore, j'en doute. Quand un plan d'austérité s'apprête à faire retomber sur les salariés du privé comme du public la charge d'une crise dont ils ne sont pas responsables mais dont certains paient déjà les conséquences, alors que les 1200 foyers les plus riches de France, bénéficiaires du sacro-saint bouclier fiscal, reçoivent des chèques d'en moyenne 100 000€ par an de l'Etat pour rembourser de soi-disant trop-perçus d'impôts, je ne vois guère d'égalité, pas même en apparence.


Les usines, l'énergie, les assurances et les banques sont elles nationalisées? J'attends le jour de la création d'un pôle public bancaire. Mais ce jour là n'est pas encore venu. Quant aux usines et à l'énergie, la tendance est bel et bien à la privatisation, tout comme les services publics les plus fondamentaux tels que la Poste ou France Télécom/Orange.


La Sécurité Sociale est-elle assurée pour tous? Oui! Mais les attaques répétées par la droite contre celle-ci m'incite à la prudence. Pour l'heure, je me souviens des mots d'Ambroise Croizat à l'Assemblée Nationale "Jamais nous ne tolérerons qu’un seul des avantages de la sécurité sociale soit mis en péril. Nous défendrons à en perdre la vie et avec la plus grande énergie cette loi humaine et de progrès."


La retraite est-elle toujours assurée? Elle l'est, mais pour combien de temps encore? Si la mobilisation du 24 juin prochain n'est pas forte, si les Français, opposés à 60% à la contre-réforme proposée par le gouvernement, ne se font pas entendre, voilà encore un acquis du programme du CNR que l'on pourra rayer de la liste.


Enfin, je vous livre une citation qui date de 2007. Elle a été prononcée par Denis Kessler, vice-président du MEDEF, dans la revue Challenge. "Il s´agit aujourd´hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !(...) Le gouvernement s'y emploie."


La France éternelle, disait le Général de Gaulle, c'est celle qui se bat, et n'éteindra jamais la flamme de la Résistance.

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