La gare Montparnasse, un endroit dangereux?L'Histoire se passe jeudi dernier, à la Gare Montparnasse à Paris.

Un groupe scolaire de Cenon, près de Bordeaux, s'est rendu en voyage de classe à Paris, afin de visiter l'Assemblée Nationale, la Tour Eiffel, puis le Louvres. Jusque là, rien de bien extraordinaire, le parcours étant même plutôt classique. Visiblement, la plupart des collégiens et les deux enseignantes qui les accompagnaient ont apprécié la journée. Malheureusement, un incident assez grave a eu lieu juste avant leur voyage de retour.

Au moment où ce groupe entrait dans la gare Montparnasse, un cortège d'étudiants en grève contre la loi LRU (loi qui promet un avenir uniquement privé à l'université, et voue à la fermeture les Unités de Formation et de Recherche qui ne sont pas directement rentables) un cortège d'étudiants faisait une action de protestation dans la même gare, de façon pacifique et même bon enfant puisqu'il s'agissait principalement d'une distribution de tracts, de chansons et de musique.

Jusqu'à présent, la sécurité de personne n'était menacée, ni par les étudiants, ni par les collégiens, ni par les trains: tout allait bien.

Pourtant, en une fraction de seconde, une compagnie de CRS casques et combinaisons  a chargé en traversant la gare au pas de course, matraques levées et boucliers en avant. La panique se déclenche dans la gare, tous les passagers tentent au mieux d'échapper à la tornade policière qui se déchaîne, et dont l'objectif semble être le groupe d'étudiants.

Sur leur passage, les CRS sont gênés par nos quelques collégiens que les enseignantes parviennent tant bien que mal à rassembler dans un coin. L'agitation est à son comble, et les CRS décident d'utiliser leurs matraques pour frapper sur les collégiens. Une enseignante crie qu'ils sont petits et n'ont rien à voir dans l'histoire, mais rien n'y fait, et l'un des policiers décide qu'un grand coup sur la tête la fera taire. Il faut quelques minutes pour qu'un médecin militaire qui se trouvait dans un train vienne secourir les collégiens. 10 enfants sont blessés, l'une des enseignantes également, et tous sont sous le choc.

A leur retour à Cenon, les familles des enfants décident toutes de porter plainte pour violence policière. Les deux enseignantes le font également, soutenues par le SNES (syndicat national des enseignants du secondaire) et la FCPE (fédération des conseils de parents d'élèves).

La ministre de l'intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie, conclue devant la presse qu'il n'y a "pas de problème particulier" dans les agissements de la police, et que ce sont les enseignantes qui ont été irresponsables d'exposer les enfants à la "bousculade" (sic). Si ce n'est pas là un feu vert donné aux CRS pour décharger aveuglément leur violence dans un sentiment d'impunité parfaitement couvert par le gouvernement, alors je ne comprends plus rien.

Pour terminer, je vous reproduis ici la lettre ouverte de l'une des enseignantes en question à la ministre de l'intérieur.


Madame,


Etant une des deux enseignantes dont vous soulignez l'inconscience etl'irresponsabilité, je me sens le devoir de vous répondre, et ce, dans une lettre ouverte.


Laissez moi d'emblée vous dire que la désinvolture et l'inanité des paroles qui vous sont prêtées(vous avez réellement tenu ces propos ahurissants? ), ont provoqué en moi un kaléidoscope de sentiments et réactions, allant de la consternation au rire moqueur, en passant par la colère.


En ce qui concerne les agressions commises en Gare Montparnasse, ne soyez pas rassurée, Madame, elles ont réellement eu lieu ,ce jeudi 5 mars en Gare Montparnasse, peu après 19 heures .En témoignent ou en témoigneront les caméras de surveillance de la gare, les policiers en civil , tous les voyageurs massés sur la plateforme de la gare, en attente du départ des trains , tous les voyageurs du train Paris- Bordeaux qui devait partir à 19h25 et parmi ceux-ci le médecin militaire qui a examiné , secouru et réconforté , durant le voyage ,les jeunes adolescents violentés . Il ne s'est pas agi d'une "bousculade", comme vous avez la complaisance de l'annoncer ( et de le croire?), mais bien d'un matraquage .


Il s'est agi d'une souricière organisée par" les forces de l'ordre", pour "réceptionner" le groupe d'étudiants ,chassés des voies qu'ils occupaient .Toutes les issues de la plate-forme de départ ont été bloquées,enserrant ainsi les voyageurs.Et ce fut la charge .Une colonne d'hommes, armés de matraques, casqués , boucliers au bras, a traversé au pas de charge, d'un bout à l'autre le hall du départ,bousculant les voyageurs surpris et terrorisés .( La jeune femme dont la poussette a été cassée et qui a sauvé in-extrémis son enfant du piétinement a-telle porté plainte?). Cette colonne a chargé le groupe de collégiens puisque ceux-ci ,obstacles bien involontaires et qui ont tenté de fuir, se trouvaient sur la route de vos forces de l'ordre vers leur "cible", ...


Mais tout ceci est écrit dans les rapports établis par la gendarmerie de Tresse, qui devant la gravité des faits , a eu la gentillesse de se déplacer et venir recueillir nos témoignages, au collège , sur ordre du Préfet de Bordeaux , dès le lendemain .


Je me souviens avoir confié à l'officier de Gendarmerie qui recueillait ma déposition, mon étonnement et ma révolte :" comment certains de ces représentants de l'ordre ont-ils pu frapper sciemment des adolescents, après que ceux-ci aient clairement dit être des collégiens repartant à bordeaux? D'où leur vient ce sentiment d'impunité? " L'officier m'avait reprise gentiment , en soulignant le fait de sa présence et celle de ses collègues , ce vendredi 6 mars au collège. C'était la garantie , selon lui, d'une détermination en hauts lieux, à diligenter une enquête et rechercher les coupables de ces agressions .


Aujourd'hui votre terme " bousculade" scelle et renouvelle ce sentiment d'impunité qui a animé ces hommes et est le garant de leur brutalité à venir .


Quant au deuxième point de vos propos, nous concernant directement ,ma collègue et moi, je vous réponds ce qui va suivre .J'ai pensé , en riant que vous aviez dû être ,dans votre jeunesse une piètre enseignante. Ne pas organiser de sortie pédagogique , au prétexte que votre groupe-classe aurait à fréquenter des lieux aussi dangereux qu'une gare parisienne , n'est pas une attitude très responsable ni très flamboyante !


D'autant que la sortie du train par le toit de la Gare Montparnasse n'a eu lieu qu'une seule fois, ce me semble, et c'était en Octobre 1895, vous n'étiez donc pas encore prof !De plus, vous conviendrez avec moi,que lorsqu'on habite en province et que l'on se rend à L'Assemblée Nationale , il est assez pratique et économique de prendre un train.Et, à ma connaissance , il n'existe pas encore d'autre moyen de prendre un train , même au vol , que de se rendre dans une gare .


Enfin il me faut rajouter que cette gare, que nous avions traversée le matin à 9heure 30 ne présentait aucun danger, pas plus qu'à 18h45 . même quand les étudiants braillards sont arrivés sur les escalators .


Elle ne l'est devenue que quand vos forces de police sont entrées en action pour diriger ces jeunes gens ...... en direction des voyageurs, et quand la colonne armée a foncé dans la foule, transformant ce hall de gare en terrain d'affrontement .


Il me reste à vous confier mon étonnement devant votre attitude officielle : si peu de compassion pour ces adolescents et ma collègue brutalisés, aucune condamnation pour ces moment de terreur que vos hommes ont répandu parmi les voyageurs!


Il faudra du temps pour cicatriser ces blessures intérieures , d'autant que vos propos qui ne reconnaissent pas la réalité , pire, la nient , sont terribles pour nous .


Je tiens à exprimer la colère et le dédain que je ressens à l'égard de ceux de vos hommes qui ont brutalisé ma collègue et mes élèves, envers ceux qui donnent l'ordre inique de traverser un hall de gare en chargeant ,en pleine foule des voyageurs, un groupe d'étudiants. La colère et le dédain envers ceux et celles qui les couvrent .

Retour à l'accueil